Deux manières d’invoquer les dieux : emplois de νή et de μά en grec classique


2020, Revue des Etudes Grecques 133, p. 315-343

Résumé.– Cette étude porte sur les expressions qui permettent d’invoquer les dieux et qui font intervenir les particules νή et μά, toutes deux accompagnées de l’accusatif du nom du dieu (le type νὴ/μὰ (τὸν) Δία). Pour quelles raisons existe-t-il deux particules distinctes pour une expression à première vue équivalente ?
On considère traditionnellement que νή et μά sont des particules de serment, à valeur affirmative pour νή et à valeur négative pour μά. Les contre-exemples abondent, cependant, et les dictionnaires se font l’écho de cette difficulté. L’article repose sur l’étude d’un vaste corpus de près de 1000 occurrences à l’époque classique et permet de nuancer et de préciser la conception traditionnelle.
On établit tout d’abord que νή et μά ne sont pas en elles-mêmes des particules de serment : il s’agit de particules qui permettent d’invoquer les dieux, y compris dans des contextes qui ne relèvent pas du serment, pour de simples exclamations. De plus, l’existence de deux particules distinctes est certes liée à l’opposition entre négation et affirmation, mais il est nécessaire de prendre en compte le niveau des présupposés : alors que νή permet de renchérir sur un présupposé positif, μά permet de renchérir sur un présupposé négatif. Ces deux particules expriment donc un positionnement par rapport à l’interlocuteur.

Abstract.– The study deals with phrases that are used for invoking the gods by means of the particles νή and μά, both followed by the name of the god in the accusative (the νὴ/μὰ (τὸν) Δία type). What are the reasons for the existence of two distinct particles for a seemingly equivalent expression?
    Traditionally νή and μά are considered to be oath particles, with an affirmative value for νή and a negative value for μά. Counterexamples are very frequent, however, and dictionaries are aware of the difficulty. The paper is based on the study of a vast corpus consisting of nearly 1000 utterances in the Classical period and helps nuance and clarify the traditional account.
    Firstly, νή and μά are not in themselves oath particles: they are particles that are used for invoking the gods, even in contexts that do not involve oaths, for simple exclamations. Moreover, the existence of two distinct particles is linked to the opposition between negation and affirmation but it is necessary to take into account the presuppositional level: νή is used for reinforcing a positive presupposition, and μά a negative presupposition. The two particles therefore relate the utterance to the interlocutor’s previous statement.

Remaniement de la communication présentée aux Etudes grecques en janvier 2014.

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